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L’étude des reliques de la Passion dans ce mémoire s’étend sur une période chronologique vaste, des premiers siècles au 13ème siècle, et sur un large champ géographique qui englobe le Proche Orient et Byzance, et certains pays d’Europe comme la France, la Belgique, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie et l’Espagne. La période du 14ème siècle au 21ème siècle ne sera donc pas traitée. C’est un choix difficile, que j’ai dû faire et ce pour des raisons évidentes: pour mener un travail qui se tienne, je me vois contrainte de restreindre la période chronologique. Il s’agit tout naturellement de commencer à étudier le début du phénomène, aux premiers siècles, pour s’arrêter au 13ème siècle, au cours duquel les reliques sont pour la plupart arrivées massivement en Europe, à la faveur des croisades.

 

 

Les villes-pôles de reliques de la Passion au Moyen Age

 

Des premiers siècles au 6ème siècle: Jérusalem, écrin phare des reliques de la Passion

 

Aux premiers siècles et ce jusqu’au 6ème siècle environ, Jérusalem est la ville phare pour les reliques de la Passion, auxquelles s’ajoutent en sus les lieux saints de la Passion: les lieux saints de la Cène, de l’agonie, de la prison du Christ, de sa comparution devant Pilate, des sévices qu’il a subis, tant le couronnement d’épines, la flagellation, que le portement de Croix jusqu’au Golgotha, et enfin sa crucifixion et sa mise au tombeau. Rappelons que le Sépulcre et la Croix ont été retrouvés par Sainte Hélène qui organisa des fouilles à Jérusalem au 4ème siècle.[1]

 

C'est le patriarche Cyrille de Jérusalem (350-386) auteur des Catéchèses sur la Croix, en 348, qui le premier, va témoigner de l'invention ou en d'autres termes la découverte de la Croix vers 326, par Sainte Hélène. Saint Ambroise (340-397) dans le Panégyrique de Théodose, Rufin d'Aquilée (vers 340-410), Saint Jérôme dans sa Chronique en 380, Saint Paulin, évêque de Nole en 409 et l'historien Sozomène (375-vers 450) font allusion à la découverte de la Croix par Sainte Hélène.[2]

 

On trouve à Jérusalem aux premiers siècles, la relique de la vraie Croix, du Titulus, de la Lance entière, celle de la Couronne d’épines, de la Colonne de la flagellation, de l’Éponge, du Calice, du Roseau et du Sépulcre. Notons toutefois que la relique de la vraie Croix a été très tôt morcelée (dès le 4ème siècle) pour être diffusée dans le monde entier.

 

 

Du 7ème au 13ème siècle, Constantinople, nouvelle Jérusalem, en possession d’un véritable trésor de reliques de la Passion

 

Plus tard, à partir du 7ème siècle, c’est Constantinople qui prendra la place prestigieuse de Jérusalem aux yeux des chrétiens: en effet, à partir de cette période globalement, de très nombreuses reliques du Christ sont centralisées dans la ville, à la faveur des invasions perses en Palestine, et particulièrement à Jérusalem en 614. Toutefois, l’engouement des pèlerins pour Jérusalem ne cesse pas.

 

Au 7ème siècle, la relique de l’Éponge originaire de Jérusalem est déposée dans l'église Sainte-Marie du Phare comme la pointe de la Lance; la sainte Couronne aussi connaîtra le même destin, mais plus tard; avant la première moitié du 10ème siècle selon Jannic Durand, elle parvient à Constantinople et est déposée dans la Chapelle du Phare. Celle qui est devenue la Tunique d’Argenteuil a, selon certains historiens, été conservée par les empereurs de Constantinople auparavant. Les Sandales ont été conservées par les empereurs de Constantinople à partir du 10ème siècle avec Jean Ier Tzimiskès. Une relique du Sang était conservée par les empereurs de Constantinople à partir du 10ème siècle, voire même avant… Le Bassin de la Cène parvient aussi dans la ville byzantine, mais à une époque indéterminée, et rejoint lui aussi le Phare. La relique du Roseau, originellement à Jérusalem, est attestée à Constantinople au 10ème siècle. Le 15 Août 944, la relique de l’actuel saint Suaire de Turin, arrive d’Édesse à Constantinople et est transférée à la Nea Ekklesia, édifiée entre 876 et 880 par l’empereur byzantin Basile Ier (de 867 à 886). L’édifice religieux  reçoit un nouveau nom ce jour-là, celui de Sainte-Marie du Phare, le terme pharos signifiant « phare » ou « toile, drap »... La sainte Coiffe de Cahors était gardée à Constantinople, avant le sac de la ville par les Croisés de la quatrième croisade. La relique de la Ceinture du Christ était également à Constantinople.

 

En ce qui concerne la relique de la vraie Croix, Constantinople en possède depuis déjà très longtemps à cette époque: on sait en effet que après 421, et vers 431, à Constantinople, Saint Pierre l’Ibérien obtient deux fragments de la vraie Croix à la cour du roi Théodose II.[3]

Les empereurs de Constantinople vont poursuivre la constitution d’un véritable trésor de reliques de la Passion au cours des siècles.

 

C’est ainsi qu’au 12ème siècle par exemple, l’empereur Manuel Ier Comnène dépose dans l’église du Phare, à Constantinople, en 1169-1170, la relique de la Pierre de la déposition de la Croix. La Table de la Cène est aussi transportée à Constantinople, si l’on en croit un manuscrit arménien du 13ème siècle, qui cite cette relique dans la ville des empereurs byzantins.[4] En 1199, un pèlerin russe Antoine, futur évêque de Novgorod, dit avoir vu dans la basilique Sainte-Sophie de Constantinople un petit vase de marbre qui était sensé avoir été utilisé par le Christ lors de la Cène. En 1151, à Constantinople, se trouvaient d’après le récit de Nicola Soemundarson « les bandeaux de lin avec le Soudarion et le sang du Christ. »[5]

 

Notons que Charlemagne au 8ème siècle, a reproduit le modèle des empereurs de Constantinople en tentant d’amasser un certain nombre de reliques de la Passion (mais aussi des reliques mariales)  la relique de la Croix, le Suaire d’Aix-la-Chapelle (une copie de Suaire d’après les historiens), la relique de la Ceinture, la relique du Subligaculum, une Pierre qui a touché aux aromates d’embaumement. Il a reçu un Clou d’Irène de Constantinople en 797, et selon la tradition, la Tunique d’Argenteuil de la même impératrice. Il a fait construire un écrin pour ces reliques, la Chapelle palatine d’Aix-la-Chapelle, à l’image de la Chapelle du Phare.

 

 

A partir du 13ème siècle, et au-delà, Paris, une nouvelle Constantinople pour les reliques de la Passion…

 

C’est au 13ème siècle, que Constantinople, pôle phare pour les reliques de la Passion, cède sa place à Paris: Baudouin cède en 1239, en deux envois, les reliques de la Passion les plus prestigieuses à Saint Louis, hormis l’actuel saint Suaire de Turin dont le destin sera de faire une halte à Athènes avant de parvenir en France. Paris et sa Sainte Chapelle deviennent alors une nouvelle Constantinople et une nouvelle Chapelle du Phare.

 

Voici un tableau montrant la diffusion des reliques de la Passion au Moyen Age. Les informations sont issues des études menées pour chaque relique et situées dans les annexes de ce mémoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La colonne de gauche désigne la relique. Celle de droite indique : A) son parcours: dans certains cas on peut le retracer totalement ou en partie, il s’agit souvent alors de reliques entières, par exemple le calice de Valence, ou le Soudarion d’Oviedo. B)

 

Sa diffusion : on peut entendre par diffusion, des fragments de reliques de la Passion retrouvés, cités ou utilisés en tels ou tels lieux, ou encore des reliques entières comme par exemple celle des dés, sans que l’on puisse toutefois retracer leur parcours historique.

 

On peut noter que pour certaines reliques on peut à la fois avoir un parcours, à la fois une diffusion: par exemple la couronne d’épines, qui est transférée de Jérusalem à Constantinople, puis de Constantinople à Paris. Dans le même temps, des fragments de cette couronne d’épines ont été diffusés dans de nombreux pays.

 

Une remarque très importante: la liste des parcours et des lieux de diffusion des reliques de la Passion, je l’ai dressée d’après les données que j’ai trouvées et à l’aide desquelles j’ai constitué le catalogue, donc il faudra toujours garder un certain recul car je ne prétends pas être exhaustive.

 


 

[1] R. P. Cabrol F.,  Étude sur la "Peregrinatio Silviae". Les églises de Jérusalem, la discipline et la liturgie au IVe siècle, p.6.

 

[2] Mély F., Exuviae, p. 165.

 

[3] Frolow A., 16.

 

[4] Manuscrit ancien n°74, folios 145-147, Bibliothèque nationale de Paris.

 

[5] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 44.

                                                                                                                                                    

 

 

 

 

 

Les grandes étapes de la diffusion des reliques de la Passion

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