LES RELIQUES
DE
LA PASSION DU CHRIST
Les visites ou dons de reliques par la société au Moyen Age
S’il est impossible de donner les noms de tous les hommes qui ont vu ou ont eu entre les mains un moment donné ou un autre les reliques de la Passion au Moyen Age, il est possible de retracer ici, de façon synthétique un ensemble de données sur les hommes, chevaliers, nobles, princes et religieux qui ont rendu visite à telle ou telle relique, ou encore en ont fait don.
Le tableau de synthèse ci-dessous est basé sur les informations dans les annexes, glanées par relique. Sans doute, les données ne sont pas exhaustives, toutefois peuvent-elles donner un aperçu de l’importance qu’ont eu les reliques de la Passion dans la société médiévale.
L’influence des reliques de la Passion sur l’architecture et l’art
Les reliques ont eu un impact certain tout d’abord sur l’architecture: elles ont suscité la création de la crypte, pour permettre un accès plus commode aux pèlerins venus les vénérer. Loin d’être des accessoires facultatifs, elles étaient le cœur rayonnant de l’édifice religieux: dans une très grande majorité des cas, les fragments de reliques de la Passion, se trouvaient dans le chœur même de l’église, espace le plus sacré, puis dans le saint des saints sacré qu’est l’autel.
Les reliques de la Passion, ont aussi entraîné un renchérissement de luxe, de beauté dans la création de chapelles impériales, celle du Boucoléon à Constantinople a fait une émule à Paris, la chapelle construite par Saint Louis, sans compter Aix-la-Chapelle de Charlemagne, réceptacle de plusieurs reliques de la Passion.
Longtemps on a eu d’yeux que pour les reliquaires, qui par leur beauté artistique et leur valeur pécuniaire, semblaient faire oublier que leur existence résultait des reliques et non l’inverse : les reliquaires dans la richesse de leur décor d’or et de joyaux, manifestent « la puissance active des reliques qui de l’intérieur du reliquaire se communique à elles. »[1] Ces objets destinés à recueillir comme dans un écrin les res sacras, ont donné lieu à un véritable artisanat d’art, de l’Orient à l’Occident.
Les arma Christi sont des représentations des instruments de la Passion du Christ dans l’art, souvenir immortel de ces reliques, gravé dans la pierre, enluminé sur les parchemins, peint sur divers supports et ce dès le 9ème siècle.[2]
Aux 12ème et 13ème siècles, la spiritualité est alors centrée sur l’imitation du Christ, "imitatio Christi". Snoek nous livre une réflexion particulièrement intéressante à ce sujet: selon lui, les croisades, les pèlerinages et les contacts commerciaux ont rendu la Terre Sainte plus proche et ont permis aux hommes de découvrir une fois de plus le Jésus historique. Tout en vénérant le Saint Sépulcre, les reliques de la Passion et tous les autres souvenirs rapportés des lieux saints, l'attention des fidèles s’est focalisée sur la nature humaine de Jésus, sur sa douleur d’homme…[3]
C’est ainsi qu’à partir du 13ème siècle, la vénération des arma Christi connaîtra un grand essor. La piété avait pour objet, dans les faits, la personne de Jésus lui-même: elle a consisté à mettre à l’honneur Jésus, en vénérant ses cinq plaies, les instruments de sa torture et son côté percé, ce que l’on retrouvera dans l'image du Pie Pellicane présente dans le dernier vers de l'Adoro Te, une composition du 14ème siècle.
Enfin, que dire des représentations iconographiques du Christ, auxquelles on prête l’origine des critères au Mandylion d’Édesse, au saint Suaire de Turin? Paul Vignon en 1930, s’est penché sur les représentations du Christ dans le monde byzantin entre le 6ème siècle et le 14ème siècle. Son étude[4] puis celle de l’érudit américain Edward Wuenschel[5] reprise plus tard par le britannique Ian Wilson, à la fin des années 70, permet de mettre en évidence un certain nombre de caractéristiques que l’on retrouve sur les peintures ou les mosaïques, ce qui laisse penser que le Suaire de Turin a pu servir de modèle aux artistes depuis des temps reculés.[6]
Les reliques de la Passion et la littérature
Enfin, les reliques de la Passion plus que présentes dans la vie concrète des hommes, dans l’art et dans l’architecture, sont encore présentes dans leur pensée. On peut en juger en parcourant la littérature médiévale, et plus particulièrement ce chef d’œuvre qu’est Perceval ou le conte du Graal, de Chrétien de Troyes. La quête du Graal, le mystère autour de cet objet, source de questionnements et de cette lance qui saigne, n’est pas sans rapport avec le calice qu’utilisa le Christ à la dernière Cène et la Lance dont il fut percé sur la Croix et qui laissa couler sang et eau.
Dans la Chanson de Roland, chanson de geste crée au 11ème siècle, la pointe de la Sainte Lance est enchâssée dans le pommeau de Joyeuse, l’épée de Charlemagne.
On peut éventuellement rapprocher les reliques de la Passion des Mystères de la Passion, ces représentations théâtrales jouées aux abords des églises pendant le temps du Carême, et plus précisément de la Semaine sainte, retraçant le drame de la Passion du Christ d’après les sources évangéliques.
[1] Schmitt J.-C., article « Les reliques et les images, » in Les reliques.
[2] http://en.wikipedia.org/wiki/Arma_Christi : arma Christi représentées dans le manuscrit d'Utrecht. (830)Lien valide le 28 août 2010.
[3] Snoek G.J.C., Medieval Piety, pp. 26-27.
[4] Vignon P., Le saint Suaire de Turin devant la science, l’archéologie, l’histoire, l’iconographie, la logique.
[5] Wuenschel E. A., Self-Portrait of Christ: The holy Shroud of Turin,.
[6]A ce propos, la consultation du chapitre 12 de l’ouvrage de Ian Wilson, Le Suaire de Turin, pp.128-142, est éclairante.
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