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Au-delà des réflexions religieuses qu’elles ont suscitées, les reliques ont fait l’objet de l’attribution d’un statut et d’un classement religieux que nous allons aborder à présent.

Toutefois, avant d’entrer dans le vif du sujet, nous allons nous pencher sur l’importance inégale accordée aux reliques de la Passion par les instances religieuses.

 

3.1. Une importance inégale accordée aux reliques de la Passion par les instances religieuses

 

Toutes les reliques de la Passion n’ont pas été perçues de la même façon par les Papes et le clergé. Il suffit pour s’en convaincre de s’attarder sur chaque relique, d’en découvrir les « supporters Â» en quelque sorte : c’est surtout d’après les sources écrites que nous pouvons constater que certaines reliques ont par exemple fait l’objet de bulles de papes, d’indulgences, de messes. Certains théologiens connus comme Saint Jean Damascène en ont cité quelques-unes. D’autres sont restées totalement ignorées ou ont entraîné un engouement religieux beaucoup plus modeste de la part du Magistère de l’Église.

 

En résumé, plus de 40 Papes ont soutenu les reliques de la Passion, qu’il s’agisse d’un soutien tacite, comme la consécration d’un autel sur des reliques de la Passion, ou explicite, comme la mention, le don, la promulgation d’autorisation du culte de telle ou telle relique particulière, l’octroi d’indulgences, les processions effectuées avec telle ou telle relique : le Pape Sixte II (257-258), le Pape Sylvestre Ier (314-335), le Pape Léon Ier (440-461), le Pape Virgile (537-555), le Pape Grégoire le Grand (590-604),  le Pape Saint Eugène (654-657), le Pape Serge Ier (687-701), le Pape Jean VII (705-707), le Pape Etienne II (752-757), le Pape Adrien Ier (772-795), le Pape Saint Léon III (795-816), le Pape Saint Léon IV (847-855), le Pape Marin (882-884), le Pape Formose (891-896), le Pape Serge IV (1009-1012), le Pape Benoît VIII (1012-1024), le Pape Urbain II (1088-1099), le Pape Pascal II (1099-1118), le Pape Callixte II (1119-1124), le Pape Eugène III (1145-1153), le Pape Adrien IV (1154-1159), l’anti- Pape Pascal III (1164-1168), le Pape Innocent III (1198-1216), le Pape Honorius III (1216-1227), le Pape Grégoire IX (1227-1241), le Pape Innocent IV (1243-1254), le Pape Urbain IV (1261-1264), le Pape Grégoire X (1271-1276), le Pape Innocent VI (1352-1362), le Pape Calixte III (1455-1458), le Pape Sixte IV (1471-1484), le Pape Jules II(1503-1513),  le Pape Léon X (1513-1521), le Pape Adrien VI (1522-1523), le Pape Clément VII (1523-1534),  le Pape Paul V (1605-1621), le Pape Innocent X (1644-1655), le Pape Benoit XIV (1740-1758), le Pape Pie VII (1800-1823), le Pape Paul VI (1963-1978),  le Pape Jean Paul II(1978-2005), le Pape Benoît XVI (2005-).

 

Cette liste de papes ainsi exposée permet de souligner l’importance du nombre de papes au cours du Moyen Age et notamment de tous ceux qui ont prêché les croisades au Moyen Age: le Pape Urbain II (1088-1099), le Pape Innocent III (1198-1216), le Pape Eugène III (1145-1153), le Pape Honorius III (1216-1227), le Pape Grégoire IX (1227-1241), le Pape Innocent IV (1243-1254), le Pape Grégoire X (1271-1276).

 

D’après les informations recueillies en annexes et synthétisées dans le tableau ci-dessus, on peut mettre en évidence une inégalité de soutien des reliques de la Passion par les Papes : en effet, 3 Papes ou plus ont soutenu le Calice de Valence, la Scala santa, la Couronne d’épines, le Voile de Véronique, la Croix, le Sépulcre, le Suaire de Turin, le Suaire de Cadouin, contre 1 ou 2 Papes pour le Sacro Catino, la Table de la Cène, la Pierre du Mont des Oliviers et du Jardin de Gethsémani, les Sandales du Christ, les Vêtements du Christ hors classement, la Tunique d’Argenteuil, la Tunique de Trèves, les Clous, la Lance, le Sang, la Coiffe de Cahors.

 

Toujours d’après les mêmes informations, on  peut également souligner que seules 7 reliques de la Passion ont fait officiellement l’objet d’autorisation de culte par les Papes :

 

  1. Les Sandales du Christ : le Pape Serge Ier (687-701) admet le culte porté à la relique.

  2. Le Suaire de Cadouin : Cette relique a donné lieu à quatorze bulles d'autorisation de culte par les Papes.

  3. Le Voile de Véronique : En 1207, le Pape Innocent III institue une procession en l’honneur du Voile de Véronique.

  4. La Lance : En 1353, l’empereur reçoit l’autorisation de la part du Pape Innocent VI,  de fêter la sainte Lance dans toute l’Allemagne et en Bohême, un office particulier en 1361.

  5. Le Suaire de Turin : Le 26 avril 1506, le Pape Jules II approuve le culte public du saint Suaire. A partir de cette date, chaque année, le 4 Mai, on prend coutume de faire une ostension de la relique.

  6. La Tunique de Trèves : Lors de l’ouverture du reliquaire le 14 Avril 1512, le mercredi de Pâques, la relique fait l’objet d’une ostension. Le Pape Léon X ordonne dès lors une ostension tous les 7 ans.

  7. La Tunique d’Argenteuil : Le 13 Janvier 1613, le Pape Paul V approuve dans un bref la confrérie de la sainte Tunique et accorde des indulgences aux pèlerins honorant la relique. Le 5 Juillet 1653, le Pape Innocent X renouvelle les indulgences accordées par le Pape Paul V et approuve officiellement le culte de la relique.

 

3.2. Un classement religieux des reliques 

 

Les reliques comportent des «degrés» différents qui constituent en quelque sorte une typologie religieuse: la relique dite «réelle», la relique dite Â«historique» et enfin la relique dite «représentative. »  Ces différents termes se retrouvent dans tous les ouvrages ayant trait aux reliques.[1]

 

  • La relique dite « relique réelle »

C’est le corps ou une partie corporelle d’un Saint, corpus ou ossa. La relique dite « réelle Â» occupe le premier degré d'importance sur les deux autres types de reliques: c'est celle qui est la plus recherchée et a le plus de valeur aux yeux du croyant.[2]

En ce qui concerne les reliques de la Passion, il s’agit de la relique du Sang, des Cheveux et de la Barbe du Christ.

 

  • La relique dite « relique historique » ou secondaire

Il s’agit d’un objet qui a appartenu ou a été utilisé par le saint en question. Ce type de relique occupe le deuxième degré d'importance, en dessous de la relique dite « réelle Â» mais bénéficie néanmoins d'une aura importante.[3]

 

Cela constitue la grande majorité des reliques de la Passion:

Les Bandelettes funéraires, le Bassin de la Cène, le Calice de la Cène de Valence et de Troyes, le sacro Catino, la Ceinture, les Clous, la Coiffe de Cahors, la Colonne de la Flagellation, la Couronne d’Épines, la Croix, les Éponges, la Lance, les Liens du Christ, le Pain de la Cène, le Roseau, la Scala Santa, le saint Sépulcre, les Sandales, la Serviette du lavement des pieds, le saint Suaire, les autres Suaires, le Subligaculum, la Table de la Cène, le Titulus, la Tunique d’Argenteuil, la Tunique de Trèves, les Verges, les Vêtements du Christ.

 

  • La « relique représentative, » relique dite aussi « de contact » ou encore « indirecte Â»

« These indirect or secondary relics were also called contact, symbolic or representative relics. They are mentioned in the sources as reliquiae, sanctuaria, pignora, patrocinia, merita, beneficia, vocabula. » Elle est aussi appelée dans les sources Â« brandea Â» ou « palliola. Â»[4]

Elle comprend tous les objets qui ont été mises en contact avec la relique, par le fidèle, le clergé...par exemple un pèlerin met en contact de la relique de la Croix ou du saint Sépulcre son mouchoir, un chapelet, etc... Ces objets du pèlerin ont alors « acquis par contact la captation de la sainte virtus. »[5] Ils deviennent alors des reliques représentatives de la relique proprement dite, qui est réelle, ou historique.

 

Lefeuvre nous apprend que « la dénomination des reliques indirectes ou représentatives était dans les premiers siècles de l’ère chrétienne surtout, très étendue. Elle désignait parfois de simples voiles ou linges, que l’on déposait, pendant quelques heures sur le tombeau d’un saint ou le reliquaire, renfermant de ses ossements. L’huile des lampes qui avaient brûlé devant la tombe, la mousse ou la manne qui y germait, l’eau qui avait servi à laver le sépulcre ou le reliquaire étaient considérés comme des reliques indirectes. Se classaient aussi dans la même catégorie les cailloux, les mottes de terre, que tant de pèlerins et de croisés ont rapportés de Palestine et que renferment encore un grand nombre de reliquaires. » [6]

 

Le plus souvent on distribue aux fidèles de tels souvenirs pour qu’ils les emportent pro benedictione en raison de la bénédiction qui émane d’elles, d’où leur nom grec d’eulogies.

 

Les reliques de la Passion que l’on pourrait ranger dans cette catégorie sont la relique du Calvaire, la Pierre roulée, la Pierre du Mont des Oliviers, du Jardin de Gethsémani. 

Mais ce ne sont pas les seules: par exemple, après 565, à Tours, on conservait une pièce de soie qui avait enveloppé un fragment de la vraie Croix.[7] Cette pièce de soie est une relique représentative de la Croix.

 

 


 

[1] Vacant A., Mangenot E., Amann E., Dictionnaire de théologie catholique, Tome13, Paris, 1937.

 

[2] Lefeuvre P., Courte histoire, p. 9.

 

[3] Cf. Se référer aux annexes du présent mémoire pour plus d’informations précises pour chaque relique à ce sujet.

 

[4] Snoek G.J.C., Medieval Piety, p.12 et Lefeuvre, Courte histoire, p.11.

 

[5] George P., « Les reliques des Saints: un nouvel objet historique » p.230,  in Les reliques.

 

[6] Lefeuvre P., Courte histoire, pp.10-11.

 

[7] Frolow A., 32.

 

 

 

 

 

 

 

3. Hiérarchie et authentification religieuse des reliques de la Passion

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