LES RELIQUES
DE
LA PASSION DU CHRIST
Le Linceul de Turin (12)
En 1340, l’arrière-petite-fille d’Othon de la Roche, Jeanne de Vergy épousa Geoffroy Ier de Charny qui devint le dépositaire du saint Suaire.
Après la mort de son époux en 1356, Jeanne de Vergy organisa des ostensions du Linceul.
Pour d’autres historiens, la relique serait restée entre les mains d’Othon de la Roche jusqu’à sa mort.
Geoffroy de Charny en aurait pris possession bien plus tard lors d’un voyage, comme en témoigne en 1443, Marguerite de Charny, petite-fille de Geoffroy de Charny.[1]
Une chose est sûre, en 1357 le Suaire de Turin est à Lirey. Il est alors la propriété de la famille de Charny. C’est Geoffroy Ier de Charny qui l’a obtenu, dans des circonstances que nous connaissons peu et à sa mort, sa femme Jeanne de Vergy organise des ostensions de la relique qui revient en héritage aux chanoines de Lirey.[2]
En 1370, Henri de Poitiers, évêque de Troyes, interdit les ostensions de la relique initiées en 1356 par Jeanne de Vergy alors veuve, sous prétexte que la relique n’est pas mentionnée dans les évangiles.[3]
Toutefois, Daniel Raffard de Brienne dit qu’en réalité Henri de Poitiers n’était pas du tout hostile au culte de la relique, et fonde ses propos sur la lettre de bénédiction du prélat, datée du 28 Mai 1356, et adressée à Goeffroy de Charny...[4]
En 1389, Jeanne de Vergy, épouse Aymon de Genève, oncle du Pape Clément VII. La même année, elle demande et obtient alors l’autorisation au Pape de faire des ostensions du Linceul, au grand dam de Pierre d’Arcis, nouvel évêque de Troyes(1379 à 1395). Ce dernier, furieux, intervient tout d’abord auprès du Pape qui lui ordonne le silence perpétuel sur le sujet, sous peine d’excommunication, puis auprès du roi Charles VI, qui ordonne la confiscation de la relique, sans résultat, les chanoines de Lirey n’en ayant cure.[5]
Finalement, l’évêque de Troyes, courroucé, envoie au Pape ce qui sera le très célèbre Mémoire de Pierre d’Arcis, qui s’inscrit en faux contre l’authenticité du saint Suaire: dans le récit de l’évêque, on apprend qu’un peintre a fait une copie du saint Suaire du temps de l’évêque Henri de Poitiers.
Le pape dans sa bulle de réponse du 6 Janvier 1390 reste sur sa position mais néanmoins impose que l’on affirme solennellement et publiquement lors des expositions, qu’il ne s’agit pas du vrai Linceul du Christ mais d’une représentation.[6]
Le 6 Juin 1418, dans le contexte de la guerre de Cent Ans, les chanoines de Lirey confient contre un reçu, la relique à Marguerite de Charny, fille de Geoffroy, pour qu’elle la mette en sûreté. Mais lorsque la paix revient, cette dernière ne veut plus rendre le Linceul, prétextant qu’il avait appartenu à sa famille. Les chanoines n’obtiendront jamais la reddition de leur bien, malgré de nombreux procès...[7]
En 1453, Marguerite de Charny offre la relique à Anne de Lusignan, de la famille de Savoie. Le 30 Mai 1457, elle est excommuniée, et ce jusqu’en 1459, toujours dans le cadre de ses procès avec les chanoines de Lirey. Finalement, ces derniers s’adressent au duc de Savoie, qui leur donnera 50 francs-or de dédommagement en 1464, mais ne satisfera pas leur requête.[8]
Entre 1453 et 1506, les ducs de Savoie se déplacent régulièrement avec le saint Suaire.
En 1471, le Pape Sixte IV proclame l’authenticité de la relique. La même année, le duc Amédée IX, dépose la relique dans la chapelle du palais ducal de Chambéry, alors agrandie.[9]
En 1503, le duc Philibert II de Savoie emporte la relique à Bourg-en-Bresse pour la montrer à Philibert le Beau, son beau-frère...[10]
Dans la nuit du 3 au 4 Décembre 1532, un violent incendie se déclare dans la chapelle, au cours duquel les parois du reliquaire du Linceul commencent à fondre. On les arrose avec de l’eau qui se propage alors sur la relique: elle en porte les traces, ainsi que celles de brûlures.En 1534 les sœurs Clarisses vont la réparer.[11]
Entre 1535 et 1561, dans le contexte des guerres franco-espagnoles, le saint Suaire va voyager à Turin (1535), Milan (1536), Nice (de 1537 à 1543) et Verceil (1549-1561).[12]
Du 4 Juin 1561 au 14 Septembre 1578, le saint Suaire est conservé à Chambéry.[13]
Le 15 Septembre 1578, le Linceul arrive à Turin. Emmanuel-Philibert, duc de Savoie désirait le voir dans la nouvelle capitale de la Savoie et a prétexté le voyage de Saint Charles Borromée de Milan pour le transporter dans une ville qui finalement serait plus facile à atteindre pour ce dernier.[14]
De 1587 à 1685, la relique est conservée dans l’ancien chœur de la cathédrale de Turin, sous un édicule provisoire érigé exprès pour elle.[15]
Le 1er Juin 1694, le Linceul est déposé dans la chapelle conçue par Guarino Guarini.[16]
Pendant la guerre, la relique est cachée du 25 Septembre 1939 au 28 Octobre 1946, dans le couvent de Montevergine, en Italie, dans le diocèse d’Avellino.[17]
Le 1er Octobre 1972 a lieu un incendie criminel.[18]
En 1983, le roi Umberto II de Savoie meurt en léguant le saint Suaire au Pape Jean Paul II: il appartient désormais au Saint-Siège. L’archevêque de Turin est alors désigné comme « custode » ou gardien de la relique.[19]
En 1990, deux individus ont tenté de détruire la relique par le feu, en arrosant d'essence le reliquaire et en l'enflammant. La plaque d'argent qui recouvrait le coffre-reliquaire en bois, a fondu mais la toile n'a pas été endommagée.[20]
C'est à ce moment-là que l'on posa des vitres blindées autour du reliquaire, pour le protéger. Le 24 Février 1993 le saint Suaire est transféré dans le chœur des chanoines de la cathédrale de Turin.
Dans la nuit du 10 au 11 Avril 1997 a lieu un incendie qui détruit la chapelle dans laquelle se trouvait la relique. Un pompier volontaire, Mario Trematore, réussit à briser les vitres pourtant blindées, à l'aide d'un marteau, fait reconnu comme impossible par la société qui a vendu ce dispositif de protection. Il n'a que le temps d'emporter avec lui le reliquaire hors de l'édifice religieux avant que celui-ci ne s'effondre. Les pompiers ont identifié deux foyers d'incendie criminels, mais en 2002, l'affaire a été classée sans suite sur le motif de l'hypothèse d'un court-circuit électrique.[21]
En 2002, d'après les services secrets italiens, on peut apprendre que le Linceul de Turin fait partie de la liste des cibles potentielles d'Al Qaïda.[22]
Les copies du saint Suaire
Une étude du Père Jésuite J. Francès a conclu que le Suaire cité par Arculfe n’était qu’une copie. Arculfe, évêque de Galilée, arrive en pèlerin à Jérusalem vers 670, et témoigne y avoir vu l’église du Saint Suaire ainsi que le « Suaire du Seigneur qui dans le Sépulcre avait été placé sur sa tête. C’est une pièce de toile d’environ huit pieds de long. »[23] (Ce qui fait 2.43 m, alors que le saint Suaire de Turin mesure 4.36 m de long.)
La relique aurait été prise par un disciple du Christ et plus tard aurait été reçue en héritage par un juif. Les chrétiens désirèrent en prendre possession et pour ce faire, présentèrent l’affaire au calife Moawija qui ordonna une ordalie. Les chrétiens au cours de la cérémonie reçurent le Suaire.
Le Patriarche de Jérusalem remit la copie à Charlemagne en 797, qui la donna lui-même à Aix-la-Chapelle.
En 1009, après que Jérusalem eut subi les dévastations dues au calife Al-Hakim sur les monuments chrétiens, on oublia jusqu’à l’emplacement de l’église du Saint Suaire.
Au cours du Moyen Age et au-delà de cette période, en dehors de la copie de Jérusalem, le saint Suaire a connu des représentations iconographiques mais a aussi fait l’objet d’autres copies, comme celle de Xabregas, conservée à Lisbonne, antérieure à 1532, Navarrete (1568), Guadalupe (1568), Alcoy (1571), qui ne portent pas les représentations des brûlures de 1532. D’autres copies les représentent, comme celles de Torres de Alameda, (1620), Logrono (1623), Summit NJ USA (1627), Moncalieri (1634), Garcimunoz (1640), Castillo de Garcimunoz (1641), propriété de la comtesse Lovera de Maria (1643), celles d’Arcicale et des capucins de Turin (1644), celles de Bitonto, Bologne, Fabriano (1646), Naples (1652), Cunco (1653), La Cuesta (1654), Impéria (1678), Savona (1697), Aglié (1708), Gallarata (1710).
En tout, Luigi Fossati a compté 50 copies du Linceul de Turin, dont une vingtaine localisée en Espagne, qui ont subsisté jusqu’à notre époque.[24]
Actuellement, le saint Suaire fait l’objet de « copies », constituées de photographies en grandeur nature, conservées notamment aux Etats-Unis, en Italie (Turin, Rome), en France (Nice)...[25]
[1] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 54.
[2] Idem, pp. 54, 55, 58.
[3] Ibidem, pp. 55-56.
[4] R. de Brienne D., Dictionnaire, p. 17.
[5] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 56.
[6] Idem, p. 57.
[7] Ibidem, p. 58.
[8] Ibidem, p. 59.
[9] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 59.
[10] R. de Brienne D., Dictionnaire, pp. 26-27.
[11] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 60.
[12] R. de Brienne D., Dictionnaire, p. 40.
[13] Idem, p. 41.
[14] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 61.
[15] Idem, p. 61.
[16] Ibidem, p. 62.
[17] Ibidem, p. 66.
[18] Lévêque J., Pugeaut R., Saint Suaire, p. 30.
[19] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 66.
[20] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 78.
[21] Idem, pp. 78-80.
[22] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 80.
[23] Le témoignage d’Arculfe se retrouve au 8ème siècle dans l’Histoire ecclésiastique de la Nation anglaise de Bède le Vénérable (677-735).
[24] R. de Brienne D., Dictionnaire, pp. 87-89.
[25] Idem, p. 89.