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Le Suaire de Turin 

 

Études du tissu

 

Le tissu est en lin et plus précisément un sergé de lin à chevrons en arêtes de poisson, tissé selon la méthode Â« à un bout et torsion en Z, » avec un point de type « 3 lient 1, » déterminé ainsi par Gabriel Vial, ancien secrétaire technique du Centre international d’études des textiles anciens à Lyon et Gilbert Raes, spécialiste du textile à l’Université de Gand.[1] Cela signifie qu’un fil de la trame passe sous trois fils et ensuite passe par-dessus un fil à la chaîne. Ce mode de filage est pratiqué en Égypte antique, en Judée et en Syrie. Toutefois, les linceuls en lin, en Égypte, ne sont pas tissés à chevron. La densité moyenne du tissu calculée « sur la base des titres de la chaîne et de la trame Â» d’une part et à partir de la radiographie du drap d’autre part, s’élève à 23mg/cm2.[2] L’épaisseur du tissu s’élève à 0, 33 mm.

 

Le chimiste Ray Rogers, a déterminé que le linceul a été blanchi après tissage: la zone de contact entre deux fibres superposées garde la couleur écrue du lin. Si le linceul avait été blanchi avant tissage on n’aurait pas pu observer un tel fait. Or, il s’avère que le blanchiment après tissage était couramment pratiqué avant le 8ème siècle après Jésus-Christ, car il évitait que les métiers à tisser antiques ne fragilisent le lin. Après cette période, Sophie Desrosiers, spécialiste de tissus anciens, n’enregistre que de très rares cas de blanchiment après tissage jusqu’au 16ème siècle.[3]

 

En 1973, le professeur Gilbert Raës, de l'Institut de technologie textile de Gand, a mis en évidence la présence de fibres de coton appartenant à l'espèce gossypium herbaceum, propre au Moyen-Orient, incorporées au tissu.[4]

 

En 1978, on a retrouvé sur le tissu et non pas incorporé à celui-ci, des fibres appartenant à la Tunique d'Argenteuil, ce qui, d'après Jean-Maurice Clerq, permettrait de penser soit que le Linceul et la Tunique d'Argenteuil ont été mis en contact un moment donné, soit qu'une seule et même personne ait été en contact avec les deux linges.[5] A la fin des années 70, un test de la fluorescence à la lumière de Wood est réalisé; grâce Ã  ce test les traces de brûlure réagissent en devenant fluorescentes: seules ont réagi les brûlures dues aux incendies sur le Linceul.

 

Avant 1195 (le codex Pray daté de cette époque représente le linceul de Turin avec ces trous..), quatre groupes de quatre trous ont percé le linceul, peut-être dus à une brûlure d’encens.

En 1532, un incendie a causé des brûlures au ¼ et au ¾ de la largeur, et des trous dus à une goutte d’argent fondu, des travaux de raccommodage et de doublure du Suaire. De cette même époque datent les taches d’eau en forme de losange, localisées dans la zone des genoux, de la poitrine, au-dessus de la tête, sur les bords du linceul.

 

Études du sang

 

Plusieurs analyses microchimiques sont effectuées en 1973.D'autres études microchimiques et par microspectrie (photographie en fluorescence en ultra-violet) en 1978 par l'équipe américaine du S.T.U.R.P. (Shroud of Turin Research Project) Des analyses spectrographiques par Vernon Miller, Barrie Schwortz et Ernie Brooks, du Brooks Institute of Photography de Santa Barbara sont effectuées.[6]

Des macros et microphotographies sont réalisées par Sam Pellicori, expert en spectographie et en physique optique au Santa Barbara Research Center et Mark Evans, son collaborateur. L’empreinte « est absolument thermostable » aux dires du rapport. La coloration n’était pas due  à une diffusion de la couleur par capillarité, contrairement aux taches d’eau. Â« Aucun fluide coloré n’a formé l’empreinte. »  

« Nous n’avons trouvé aucune particule de substance colorante.»…« Si un rayon lumineux traverse un cristal d’oxyde de fer minéral, communément contenu dans les couleurs utilisées autrefois par les peintres, le rayon se retrouve scindé en deux. Il est dit alors biréfringent et change de couleur selon la rotation à laquelle il est soumis, en d’autres termes il est pléochroïque. A l’inverse, les microscopiques fragments rougeâtres provenant des blessures qui avaient taché le Suaire ne se révélèrent au premier examen ni biréfringents ni pléochroïques…»[7] Heller et Adler ont décelé la présence de porphyrine que l'on retrouve dans l'hémoglobine, de méthémoglobine (dérivé de l'hémoglobine) d'albumine. En 1981, le professeur Bollone, a conclu après études que les taches sur le Suaire Ã©taient des taches de sang. En 1982, des études ont permis de déterminer le groupe sanguin, de type AB. En 1999, le sang et le groupe sanguin AB, ont été confirmés par des recherches génétiques.[8] Aucune détérioration des caillots qui aurait pu se produire par arrachement du tissu du corps n’a été observée. Le linceul n’a pas été enlevé du corps par contact.

 

On peut noter aussi que le sang fait écran à l'image, c'est-à-dire que l'image est seulement présente sur les parties du Linceul qui ne sont pas couvertes de sang: celui-ci a empêché la formation de l'image là où il était présent On peut en déduire que les taches de sang ont maculé le Linceul, lorsque le corps a été déposé dedans, et ce avant la formation de l'image.Celle-ci s'est formée dans un second temps.[9]

 

Cause de la mort

Le docteur Barbet et le docteur le Bec, tous deux chirurgiens, ont déterminé que la victime est morte par asphyxie.[10]

 

Étude anthropologique

D’après une étude anthropologique du Suaire, l’homme est de type sémite, de grande taille, entre 1,78 m et 1,80 m. Il devait peser entre 77 et 79 kilos. La présence d'une natte de cheveu sur le Linceul de Turin -comme pour le Suaire d'Oviedo- indique que c'était un juif, qui a fait un vÅ“u de nazireat: il s'était consacré au Seigneur et n'avait alors plus le droit de se couper les cheveux. [11]

 

Étude de l’image

Sur le saint Suaire est imprimée l’image de la double silhouette d’un homme vu de dos et de face. L'image s'est formée alors que la victime était en état de rigidité cadavérique, ce qui signifie qu'elle s'est formée moins de 48h après sa mort. Passé ce délai, cet état de rigidité disparaît.[12] Cela est confirmé par l'absence de putréfaction et de décomposition des caillots de sang, ce qui a normalement lieu 48h après la mort.[13] La structure de l’image est tramée.

 

L’image n’a aucune directionnalité: cette caractéristique a été déterminée par deux physiciens du Jet Propulsion Laboratory, Jean Lorre et Donald Lynn à l’aide de programmes de la NASA.

L’image est à « potentialité tridimensionnelle, Â» c’est-à-dire que les parties saillantes du corps apparaissent en plus clair et les moins saillantes en plus foncé. Cette caractéristique a été découverte en 1973, par Paul Gastineau, un ingénieur français au moyen d'un appareil de mesure de micro-densimétrie et démontrée par les travaux en 1976, de Jackson et Eric Jumper de l’US air Force aidés d’un ingénieur de la NASA. Ils ont utilisé un analyseur d’images le VP8, utilisé habituellement pour analyser les images d'étoiles: à partir de la photo du Suaire, ils ont obtenu une image en relief du corps et du visage. Tamburelli a aussi réalisé des travaux pour reconstituer le visage du Christ en relief.[14]

La couleur formant l'image du Linceul a la même intensité sur tout le tissu: on constate donc une isotropie.[15]

Il y a pourtant des différences de teintes, des zones plus ou moins foncées, dues à un plus grand nombre de fibres roussies au centimètre carré que les zones claires. Â« Et ce phénomène est proportionnel à l’éloignement de chaque point du corps par rapport au tissu considéré comme un écran plat. Â»[16]

 

La question est la suivante: comment s'est formée l'image du Suaire de Turin ?

 

De nombreuses expériences ont pourtant été tentées pour répondre à cette question[17], en vain. Â« De fait toutes les tentatives de reproduction en laboratoire ont conduit à des images qui ne réunissaient jamais la totalité des caractéristiques du Suaire de Turin: négativité, caractère indélébile, finesse des détails, planéité parfaite et sans déformation, tridimensionnalité, superficialité, absence de direction privilégiée, structure tramée. Â»[18]

 

Étude des pollens

En 1973, le professeur Max Frei directeur du laboratoire de criminologie de Zurich, procède à un premier prélèvement de pollens sur la relique. Il publie à ce sujet un premier rapport, provisoire, en 1976 mais meurt en 1986 sans avoir pu conclure son travail. Il a identifié pas moins de 49 pollens propres à la Palestine, notamment de plantes de régions désertiques ou plantes xérophiles, dans la zone de la vallée du Jourdain, et sur les sols salés, de plantes halophytes, dans la zone de la mer morte.[19]

 

En 1986, J.-L. de Beaulieu, professeur au laboratoire de botanique historique et de palynologie de l'Université de Marseille reprend les travaux de Max Frei, et détermine alors 29 pollens propres aux régions subdésertiques méditerranéennes.[20]

 

Enfin, en 1997, Uri Baruch et Avinoam Danin, professeurs de botaniques à l'Université de Jérusalem, recommencent l'étude palynologique de Max Frei en se penchant sur le reste des prélèvements qui n'avaient pas été étudiés. Ils ont découvert notamment les pollens de plantes gundelia tourneforti et zygophyllum dumosum qui confirment l'origine palestinienne du Linceul.[21]

 

Les micro-particules

En 1978, des études de l'équipe américaine du S.T.U.R.P. ont mis en évidence la présence de traces d'aragonite sur la zone du nez, des genoux et des pieds de l'homme du Linceul. L'aragonite est une variété de carbonate de calcium, provenant de la pierre de travertin. Elle était employée dans la construction de maisons à Jérusalem. On retrouve aussi des traces d'aragonite sur la Tunique d'Argenteuil.[22]

 

Datation

En 1988, le British Museum a coordonné l'opération de datation de la relique au carbone 14, auprès de trois laboratoires: celui d'Oxford, celui de Zurich, celui de Tucson. Le laboratoire d'Oxford a déterminé une fourchette de datation du Linceul, située entre 1170 et 1230 après Jésus-Christ. Le laboratoire de Zurich a daté la relique entre 1250 et 1298 après Jésus-Christ.  Quant au laboratoire de Tucson, aux Etats-Unis, il a déterminé une fourchette de datation de la relique entre 1270 et 1335 après Jésus-Christ.[23]

Cette datation a été officiellement remise en cause actuellement.

 

 

 

[1] Marion A. et  Lucotte G., Le linceul, p. 77.

 

[2] Idem, p. 78.

 

[3] Idem, p. 79.

 

[4] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 85.

 

[5] Idem, p. 87.

 

[6] Pour plus de détails, il conviendrait de se reporter à Vernon D Miller, et Pellicori Samuel F, « Ultra-violet fluorescence photography of the Shroud of Turin Â», Journal of biological Photography, vol. 49, n°3, juillet 1981.

 

[7] Siliato M.G., Contre-enquête, p. 68. Pour plus d'informations, il serait utile de consulter l'article de Pellicori Samuel F. et Mark S. Evans: Â« The Shroud of Turin through the microscop Â», Archaeology, janvier-février 1981, pp. 35-43.

 

[8] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 88.

 

[9] Idem, pp. 105-106.

 

[10] Barbet P. (Dr), La Passion de N.S. Jésus-Christ selon le chirurgien. (Étude complète du Linceul de Turin)

 

[11] Clerq J.M., Les grandes reliques, pp. 121-122.

 

[12] Idem, p. 96.

 

[13] Ibidem, p. 101.

 

[14] Ibidem, p. 103.

 

[15] Ibidem, p.  98.

 

[16] R. de Brienne D., Dictionnaire, p. 113.

 

[17] Consulter les annexes de ce mémoire, relique « Suaire de Turin Â»

 

[18] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 119.

 

[19] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 83. Pour retrouver les études de Max Frei, on peut consulter: Max Frei, Il passato della sindone alla luce della palinologia, Bilan du Congrès international de Sindonologie, 1978.

 

[20] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 84.

 

[21] Idem, p. 84. On peut retrouver leurs études dans: Danin A., Whanger A.D., Baruch U., Whanger M.,  Flora of the Shroud of Turin, Missouri botanical garden press, Saint Louis, Missouri, 1999.

 

[22] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 85.

 

[23] Idem, p. 129.

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