LES RELIQUES
DE
LA PASSION DU CHRIST
Le Linceul de Turin (1)
Prochaine ostension prévue en 2015
Description
Le Linceul de Turin est connu dans les textes araméen, paléosyrien, arabe, grec médiéval, sous les termes de drap acheiropoïète, tetradyplon, mandil, mandylion, synne ou sisne, sydoine ou syndon, empreinte d’Edesse, apomassos, theoteuktos eikon, drap tetradyplon et actuellement saint Suaire, Suaire de Turin et Linceul de Turin. C’est un drap mortuaire en lin qui a enveloppé la dépouille d'un supplicié flagellé, couronné d'épines et crucifié. Depuis le Haut Moyen Age, on considère que c'est le Linceul dont on enveloppa le corps du Christ lorsqu'on le mit au Tombeau.
Les mesures
Il s’agit d’une pièce de tissu rectangulaire de 4,36 m de longueur sur 1,10 m de largeur. Ces mesures peuvent correspondre à des multiples de la coudée juive. Comme le fait remarquer Ian W. Dickinson, la coudée est une unité de mesure juive ou assyrienne qui était utilisée en Palestine à l’époque du Christ. Une coudée correspond à 54,6 cm. Le linceul est long de huit coudées et large de deux coudées.[1]
Lors des travaux de restauration sur la relique en 2002, on a supprimé les plis qui raccourcissaient de quelques centimètres le linceul, et finalement on a obtenu de nouvelles mesures après cette opération: la relique mesure 4.42 m de longueur pour 1.13 m de largeur.[2]
Études du tissu Pour découvrir quelques photos de détails du tissu, cliquez ici (en anglais)
Le tissu est en lin et plus précisément un sergé de lin à chevrons en arètes de poisson, tissé selon la méthode « à un bout et torsion en Z, » avec un point de type « 3 lient 1, » déterminé ainsi par Gabriel Vial, ancien secrétaire technique du Centre international d’études des textiles anciens à Lyon, et Gilbert Raës, spécialiste du textile à l’Université de Gand.[3] Cela signifie qu’un fil de la trame passe sous trois fils et ensuite passe par-dessus un fil à la chaîne.Ce mode de filage est pratiqué en Egypte antique, en Judée et en Syrie.
Toutefois, les linceuls en lin, en Égypte, ne sont pas tissés à chevron. La densité moyenne du tissu calculée « sur la base des titres de la chaîne et de la trame » d’une part et à partir de la radiographie du drap d’autre part, s’élève à 23mg/cm2.[4] L’épaisseur du tissu s’élève à 0,33 mm.
Le chimiste Ray Rogers, a déterminé que le linceul a été blanchi après tissage: la zone de contact entre deux fibres superposées garde la couleur écrue du lin. Si le linceul avait été blanchi avant tissage on n’aurait pas pu observer un tel fait. Or, il s’avère que le blanchiment après tissage était couramment pratiqué avant le 8ème siècle après Jésus-Christ, car il évitait que les métiers à tisser antiques ne fragilisent le lin. Après cette période, Sophie Desrosiers, spécialiste de tissus anciens, n’enregistre que de très rares cas de blanchiment après tissage jusqu’au 16ème siècle.[5]
En 1973, le professeur Gilbert Raës, de l'Institut de technologie textile de Gand, a mis en évidence la présence de fibres de coton appartenant à l'espèce "gossypium herbaceum", propre au Moyent-Orient, incorporées au tissu.[6]
En 1978, on a retrouvé sur le tissu et non pas incorporé à celui-ci des fibres appartenant à la Tunique d'Argenteuil, ce qui d'après Jean-Maurice Clerq, permettrait de penser soit que le Linceul et la Tunique d'Argenteuil ont été mis en contact un moment donné, soit qu'une seule et même personne ait été en contact avec les deux linges.[7]
A la fin des années 70, un test de la fluorescence à la lumière de Wood est réalisé; grâce à ce test les traces de brûlure réagissent en devenant fluorescentes: seules ont réagi les brûlures dues aux incendies sur le Linceul. Avant 1195 (le codex Pray daté de cette époque représente le linceul de Turin avec ces trous..), quatre groupes de quatre trous ont percé le linceul, peut-être dus à une brûlure d’encens.
En 1532, un incendie a causé des brûlures au ¼ et au ¾ de la largeur, et des trous dus à une goutte d’argent fondu, des travaux de raccommodage et de doublure du Suaire. De cette même époque datent les taches d’eau en forme de losange, localisées dans la zone des genoux, de la poitrine, au-dessus de la tête, sur les bords du linceul. On peut remarquer la présence d’une bande de tissu, identique à celui du Linceul, large d’environ 8 cm, disposée sur la longueur d’un côté. Avant la restauration de 1534, elle était pliée en deux, peut-être pour que l’on puisse y insérer une tringle et exposer ainsi la relique.[8]
Les taches de sang
L’examen du Suaire a mis en évidence des nombreuses taches localisées sur l’ensemble du visage (surtout au niveau du front) et du corps dans son ensemble: tronc, dos, bras, mains, jambes, pieds.
Heller et Adler ont décelé la présence de porphyrine-que l'on retrouve dans l'hémoglobine- de méthémoglobine (dérivé de l'hémoglobine) d'albumine. En 1981, le professeur Bollone, a conclu après études que les taches sur le Suaire étaient des taches de sang. En 1982, des études ont permis de déterminer le groupe sanguin, de type AB. En 1999, le sang et le groupe sanguin AB ont été confirmés par des recherches génétiques.[9]
Le saint Suaire est couvert de taches de sang localisées sur tout le corps correspondant aux blessures reçues par flagellation et à celles du couronnement d’épines. Des auréoles de sérum ont été détectées autour des marques de la flagellation et sur les bords des caillots de sang.
Plusieurs types de taches de sang existent:
-des coulées de sang liquide localisées notamment au niveau des pieds.
-des caillots frais localisés au niveau de la plaie du côté droit et de « la grande coulée transversale postérieure ». Ils sont entourés d’auréoles de sérum.[10]
-des caillots de sang desséchés localisés au niveau des autres taches de sang, sous forme de décalques.
La présence de fer qui a été décelée sur le tissu du Suaire correspond:
- à l’hémoglobine du sang localisée sur les taches de sang.
-à la macération du lin pendant le rouissage ; le fer est localisé sur tout le drap sans rapport aucun avec l’image: en effet, une fluorescence aux rayons X a mis en évidence la présence liée de fer, de strontium et de calcium, en rapport avec la cellulose du lin.[11]
-à du sang brûlé: des cristaux d’oxyde de fer sont localisés dans les zones de sang roussi.
-à la migration du fer de la cellulose qui s’est accumulé autour des taches d’eau.
D’autre part, nulle trace de métabolites -que l’on trouve dans le cas d’un cadavre en décomposition- n’a été détectée: le corps qui a été déposé dans le Linceul n’y est pas resté longtemps.
Walter McCrone microanalyste et criminologue à Chicago détecta la présence d’oxyde ferrique, du sulfure de mercure et des protéines. Il en conclut que l’image du Suaire était peinte mais ses résultats furent démentis en 1980 par des chercheurs.
Description des blessures
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Blessures au visage
Les deux arcades sourcilières sont tuméfiées, cela est dû très probablement à des coups de poing ou de bâton. On constate plusieurs traces de coups sur le visage, au niveau de la pommette droite mais aussi sur la joue gauche, la pointe du nez et la lèvre inférieure. Le nez est déformé en raison d’une fracture du cartilage, mais l’os est intact.[12] Judica-Cordiglia et le docteur Barbet pensent que l’ensemble de ces lésions a été produite par une personne qui était située à droite de la victime, au moyen d’un bâton de 4 à 5 cm de diamètre environ. Le nez est légèrement dévié vers la droite. Il mesure 8 cm comme pour le Suaire d'Oviedo.[13]
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Blessures causées par une flagellation
Les plaies sont obliques au niveau du thorax, horizontales sur les reins et obliques sur les membres inférieurs. Le docteur Barbet a compté plus de cent plaies. Celles-ci ont la forme d’un haltère de 3 cm de long. Aux extrémités, les marques de cercle correspondent aux boules de plomb et aux marques d’osselets.
Ces indices permettent d'affirmer que le fouet employé était un fouet romain, à double lanière, qui mesurait environ 60 cm.[14]
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Blessures causées par un couronnement d’épines
Sur le Suaire, le sommet du crâne n’apparaît pas: peut-être a-t-on disposé dessus une mentonnière pour garder la bouche du défunt fermée…[15] Sur l’image du dos du corps, on constate sur le haut du crâne la présence de caillots de sang dus à des piqûres provoquées par des pointes disposées en cercle autour de la tête. Les coulées s’arrêtent au niveau d’une ligne correspondant au lien noué sur la nuque pour faire tenir le bonnet ou casque d’épines.[16] Au niveau du front on constate aussi l'existence de deux coulées de sang, l’une descendant des cheveux vers l’épaule, l’autre du front vers le sourcil. Une autre coulée de sang est visible sur le front, en forme de trois inversé, ainsi que d’autres coulées de sang.
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Blessures causées par un portement de Croix
Deux blessures sur le dos sont dues au port d’une poutre lourde et mal fixée. Il y a plusieurs zones d’excoriations ou écorchures, dont une sur l’épaule droite qui s’étend sur un rectangle de 10 cm sur 9 cm: elle a été causée par le port d’un corps lourd qui a frotté l’épaule et rouvert les plaies causées par la flagellation. [17]Sur le côté gauche du dos, dans la région scapulaire, on peut voir une zone d’écorchures, de forme arrondie et de 14 cm de diamètre. On peut constater que des plaies dues à des chutes sont localisées au niveau des genoux. Le genou gauche présente plusieurs plaies. Le genou droit comporte de nombreuses écorchures ainsi que deux plaies de deux centimètres de diamètre.
Le docteur Barbet pense que la victime a porté la croix entière, (le patibulum ou poutre transversale de la Croix et le « stipes, » partie verticale de la Croix) plutôt que le patibulum seul.[18]
Quand à André Marion, il est du même avis que le docteur Barbet: d’après son étude comparative du Suaire et de la Tunique d’Argenteuil, les taches de sang sont dominantes sur les deux objets au niveau de l’omoplate gauche. Il fait l’hypothèse qu’à cet endroit du corps, les deux parties de la croix s’articulaient.[19]
Toutefois, Judica-Cordiglia pense que la victime n’a porté que le patibulum.
Blessures dues à l’enclouage des mains et des pieds
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Les mains
On distingue très nettement une plaie -qui a donné lieu à plusieurs coulées de sang- située au niveau du poignet gauche. Des études sur des photos du Suaire ainsi que des expérimentations sur des cadavres ont permis de déterminer que le clou qui était carré et faisait 8 mm de côté, a été fixé dans l’espace de Destot, dans la zone du carpe. Cet endroit dans lequel le clou a été fixé permettait de supporter le poids du corps.[20] Sur l'image, on ne voit pas les pouces des mains. Or un phénomène, celui de la rétractation du pouce existe: il est causé lorsque le nerf moteur sensoriel médian est touché, ce qui est possible si le clou a traversé le poignet. La douleur provoquée peut entraîner des évanouissements tant elle est violente.[21]
Une récente hypothèse du docteur Mérat s’oppose à celle de l’étude de référence du docteur Barbet qui considère que le Christ a été cloué aux poignets, car la paume ne pouvait supporter le poids du corps...« Un clou est planté au niveau du sillon séparant deux éminences thénar et hypothénar, il est enfoncé de façon tangentielle suivant un angle d’une quinzaine de degrés en direction du pouce. Le clou emprunte alors naturellement, un espace délimité par le deuxième métacarpien, le capitatum et le trapézoïde. Le clou traverse effectivement alors la main et non le poignet. »[22]
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Les pieds
Sur le Suaire, le pied gauche croise le pied droit. C’est ce dernier qui était fixé sur le bois de la croix: une tache de sang de forme carrée est visible ; de celle-ci partent des coulées de sang qui s’étendent sur presque toute la longueur des pieds. Le sang s’écoulait vers les orteils quand le corps était en position verticale sur la croix, et vers les talons, une fois que le corps a été transporté en position horizontale.
D'après l'étude de l'image du Suaire, il a été possible de reconstituer le procédé de la crucifixion employé par les bourreaux. On a d'abord cloué le pied droit posé à plat, en son centre, entre le deuxième et troisième métatarse, à l'aide d'un clou de 13 cm de longueur environ, de forme carrée. Puis on a posé le pied gauche sur le pied droit et on a fixé dans le pied gauche un clou entre le scaphoïde et les deux os cunéiformes. Ce deuxième clou gauche, en sortant du pied gauche a transpercé encore le pied droit.[23]
En ce qui concerne le point de fixation du clou sur le pied, le docteur Barbet pense qu’il a été fixé entre les têtes des deuxièmes et troisièmes métatarsiens. Mais le docteur Mérat quant à lui pense, après avoir fait près d’une vingtaine d’expérimentations réussies, que le clou pouvait avoir été fixé entre le 2ème et le 3ème cunéiforme du tarse, en avant du scaphoïde. Ce point de fixation présumé, permettait un appui encore plus solide du corps.
[1] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 79.
[2] R. de Brienne D., Dictionnaire, pp. 160-161.
[3] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 77.
[4] Marion A., Lucotte G., Le linceul, p. 78.
[5] Idem, p. 79.
[6] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 85.
[7] Idem, p. 87.
[8] R. de Brienne D., Dictionnaire, p. 68.
[9] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 88.
[10] Lévêque J., Pugeaut R., Saint Suaire, p. 58.
[11] Idem, p. 62.
[12] Ibidem , p. 73.
[13] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 92.
[14] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 90.
[15] Lévêque J., Pugeaut R., Saint Suaire, p. 70.
[16] Idem, p. 70.
[17] Barbet P., La Passion de N.S., p.131.
[18] Idem, p.131.
[19] Lévêque J., Pugeaut R., Saint Suaire, p.75.
[20] Lévêque J., Pugeaut R., Saint Suaire, p. 77.
[21] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 93.
[22] Castille D., Le saint Suaire, p. 121.
[23] Clerq J.M., Les grandes reliques, p. 94.